BENOIT, ALEXANDRE, ou De l’optimisme à revendre

Portrait d'Alexandre Benoit. 2015

« Au plus profond de soi, il n’y a de vif et de vrai que son enfance et sa jeunesse »

(Jacques Ferron).

La ville de Nicolet, située au centre du Québec, est connue notamment pour l’École nationale de police. C’est là qu’Alexandre Benoit vient au monde le 22 avril 1995. Il est atteint à la naissance d’une rétinite pigmentaire qui consiste en une dégénérescence progressive de la rétine pouvant mener à la cécité. Il a 3 ans quand on remarque son problème visuel. Il se souvient que, lorsque sa mère l’appelait, il croyait aller à sa rencontre alors qu’il prenait une tout autre direction. Ses parents consultent un spécialiste qui ne peut que confirmer la présence d’une déficience visuelle. Alexandre aura un frère non handicapé.

Dans sa petite enfance, il s’amuse comme n’importe quel autre bambin. Il évite toutefois certaines activités qui requièrent une excellente vision. Il doit très tôt porter des lunettes.

Le chemin de l’école

Après la maternelle, il fait son primaire dans une école de Nicolet. Il peut lire un livre ou ce qui apparaît au tableau. Il aime les mathématiques, l’histoire, l’anglais et s’initie à l’informatique. Compte tenu de sa vision, il est exempté de certains sports dans les cours d’éducation physique. Montre-t-il déjà une certaine assurance? Toujours est-il qu’il est à l’occasion élu président de sa classe.

Le braille

En cinquième année du primaire, il se voit offrir une aide pédagogique, en fait la possibilité d’apprendre le braille à son école avec un enseignant formé à cet effet. Il étudiera l’alphabet inventé par Louis Braille jusqu’en cinquième secondaire à raison de deux heures par semaine.

Centre Interval

C’est aussi en cinquième année du primaire qu’il commence à recevoir l’aide du Centre de réadaptation Interval de Trois-Rivières où travaille Régine Simard (voir sa biographie). Il apprend à se déplacer avec une canne blanche qu’il utilisera surtout à compter du secondaire, au moment où le besoin s’en fera sentir. On lui fournit également un petit télescope qui doit lui procurer une meilleure vue d’ensemble, un appareil dont il se servira peu. Côté audio, il suivra l’évolution de la technologie et recevra cassettes, CD et livres numériques.

École secondaire

Il amorce ses études secondaires dans une autre école régulière, l’école Jean-Nicolet qui se dresse juste en face de chez lui. Une intervenante du centre Interval lui fait faire une visite de la bâtisse avant le début des cours. Chaque matin, il traverse seul la rue, muni de sa canne, entre dans l’école et se rend sans problème à sa classe.

Il affirmera ne pas avoir subi à la polyvalente de vexations de la part des autres élèves. La chose est rare et vaut d’être soulignée.

Distinction

Non seulement le handicap visuel d’Alexandre ne l’empêche pas d’avoir de bons résultats, mais cela le motive au contraire. Il reçoit en effet la médaille du Gouverneur général pour avoir obtenu la meilleure moyenne générale au secondaire, rien de moins.

Trois-Rivières

Tout en habitant chez ses parents, Alexandre fréquente le cégep de Trois-Rivières, situé à une demi-heure de voiture de la maison familiale, trajet qu’il parcourt avec un camarade qui, lui, est au volant. Il est inscrit en sciences informatiques et mathématiques, un programme nouvellement offert par le collège. Sa vision diminuant toujours, il ne lit plus l’imprimé à compter de la deuxième année du cégep. Aussi utilise-t-il un ordinateur en misant beaucoup sur les contrastes. C’est à l’hiver 2015 qu’il aura recours à la synthèse vocale. Son statut d’étudiant handicapé lui permet de faire ses examens dans le bureau même des services adaptés et de disposer de plus de temps que les autres étudiants. Quand vient l’heure de l’éducation physique, il choisit une activité individuelle comme la musculation en salle, plus facile à pratiquer pour une personne malvoyante que le basketball ou autre sport de la sorte.

Tel un professeur

Alexandre pourrait se contenter d’assister aux cours et de rédiger ses travaux, autrement dit de faire ce qu’on lui demande de faire, sans plus. Cela ne lui suffit pas. Il fait profiter les autres de son savoir en mathématiques et en informatique ainsi qu’il le raconte lui-même :

« J’ai fait le Centre d’aide en mathématiques où, tel un professeur, j’aidais des étudiants en première année à consolider leurs bases en mathématiques. J’ai aussi exercé un tutorat en informatique où j’ai aidé trois étudiants à réussir leur premier cours de programmation. »

Cote R

Restons encore un peu dans le domaine des études collégiales, le temps de souligner qu’Alexandre, lors d’un gala Méritas, décroche le prix de la meilleure Cote R du préuniversitaire pour sa première année de cégep. Mais de quoi s’agit-il au juste ? C’est une cote de rendement au collégial qui dépend des notes de tous les étudiants du Québec dans un programme donné. Cette méthode statistique vise à mesurer la performance des étudiants de niveau collégial en vue de leur admission dans un programme contingenté à l’université. Ajoutons que la plupart des Cotes R se situent entre 15 et 35, des notes dans la moyenne, elles, entre 20 et 26. Tout cela est fort technique, mais l’important est de dire qu’Alexandre obtient une Cote R plus qu’honorable de 36,58. Voilà qui facilite grandement l’entrée à l’université et qui paraît très bien dans un curriculum vitae !

Sherbrooke

En septembre 2014, Alexandre quitte la Mauricie pour les Cantons-de-l’Est. Il découvre la vie en appartement avec deux amis voyants. Cuisiner ne constitue pas une difficulté pour lui et il y trouve même beaucoup de plaisir. Mais, direz-vous, pourquoi les Cantons-de-l’Est ? Eh bien, c’est qu’au même moment, notre ami entreprend à l’Université de Sherbrooke un long baccalauréat de quatre ans et demi en génie informatique, baccalauréat qui comprend cinq stages rémunérés et qui prépare ainsi les étudiants au marché du travail.

Montréal

Le premier de ces stages, d’une durée de quatre mois, il le fait de mai à août 2015 à la CCQ, ce qui l’amène à séjourner pour la première fois à Montréal.
Son employeur est informé de son handicap. Un camarade de classe suit le même stage et lui sert d’accompagnateur. Une fois qu’il aura terminé son baccalauréat, Alexandre sera en mesure, s’il le souhaite, de se consacrer à l’enseignement à titre de chargé de cours.

La logique d’abord

En première année du baccalauréat, le programme d’études est jumelé à celui de génie électrique. Bien que la matière lui plaise, Alexandre reconnaît qu’elle n’est pas facile. Il doit, entre autres choses, connaître très bien la soudure. Il n’en fait pas lui-même, son partenaire d’équipe s’en chargeant, mais il faut toutefois que sa compétence en la matière soit évaluée lors des examens où on lui pose des questions théoriques.

Les professeurs se montrent plutôt compréhensifs à son égard. Un chargé de cours, qui adapte ses examens, va jusqu’à expliquer comment il s’y prend dans un document rédigé pour la faculté de Génie. Alexandre cherche constamment à comprendre ce qu’il étudie. « J’adore les mathématiques et la physique, déclare-t-il, mais surtout l’informatique. J’aime faire preuve de logique, car, bien que j’aie une bonne mémoire, je ne prends aucun plaisir au par coeur. » N’ayant pas de cours magistraux, il doit surtout cheminer par lui-même et travailler quelquefois en équipe.

Et demain ?

Lors de l’entrevue, Alexandre avoue ne pas savoir s’il poursuivra ses études en s’inscrivant à la maîtrise. Chose certaine, il rêve de se lancer en affaires à titre d’ingénieur, plus intéressé par la gestion que par le développement informatique. Si la chose est possible, il aimerait un jour gagner sa vie en région. En tout cas, il compte bien ne se fermer aucune porte. Entre-temps, il y a les études, la marche avec un ami dans les rues de Sherbrooke, la lecture dont il se montre particulièrement friand, bref ses journées sont bien remplies.

Assurance

Il dit accepter totalement son handicap. D’un naturel optimiste, il pense qu’il retrouvera peut-être la vue grâce aux progrès de la recherche. Décidément, ce jeune homme d’à peine 20 ans mène sa barque avec une assurance que pourraient lui envier bien des personnes voyantes de son âge.

« Ce qui me motive dans la vie, affirme-t-il, c’est de surpasser les autres qui ne sont pas atteints d’un handicap visuel. Je suis autant fier de mon parcours académique que d’avoir aidé mes pairs à réussir. »

Oui, ce Nicolétain d’origine compte bien se faire une place au soleil.

Attention !

En terminant cette biographie, nous vous offrons une galerie de photos. Elle s’adresse aux parfaits voyants, aux semi-voyants, aux personnes conservant une vision modeste et aux aveugles. Il est un peu complexe de concevoir une galerie de photos pour une telle démographie. Voici donc le mode d’emploi :

Si vous avez l’usage de la vue et que vous utilisez une souris, il vous suffit de cliquer sur une photo, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, cliquez sur l’icône X, en haut à droite.

Si vous disposez d’une vision modeste, si vous utilisez JAWS, si peut-être vous souhaitez faire une présentation à des amis voyants, alors suivez les consignes qui suivent. Chaque photo est agrémentée d’un LIEN GRAPHIQUE, visible et audible uniquement par les utilisateurs de JAWS. Faites ENTER sur ce LIEN GRAPHIQUE, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, appuyez sur ÉCHAPPE.

Bon visionnement !

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