BERGERON, DIANE, ou d’Édimbourg à Ottawa

Portrait de Diane Bergeron

« La journée la plus perdue est celle où l’on n’a pas ri »

(Chamfort).

Nous sommes à Édimbourg, capitale de l’Écosse, le 7 février 1965. C’est ce jour-là que naît Diane Maitland, qui deviendra Diane Bergeron en 2001. Contrairement à son frère, elle est handicapée de la vue à la naissance, mais la chose passe inaperçue. Deux ans plus tard, la famille quitte l’Europe pour s’installer au Québec, à Ville LaSalle, sur l’île de Montréal. Le père est dessinateur industriel.

Handicap

Diane a 5 ans lorsque sa mère remarque chez elle des gestes qui pourraient s’expliquer par un problème visuel. Un jour, par exemple, elle passe et repasse la main sur le plancher vert pour y trouver une brosse à cheveux orange. Un spécialiste examine alors la fillette et diagnostique une rétinite pigmentaire.

Primaire et secondaire

Après la maternelle, Diane fait ses études primaires et secondaires dans trois écoles régulières de Ville LaSalle, Pincourt et Sainte-Anne-de-Bellevue. Sa mère refuse qu’elle aille dans une école pour enfants malvoyants, même si elle fait les choses plus lentement que les autres et est reconnue légalement aveugle dès l’âge de 10 ans. On lui fournit une loupe, un télescope et des livres en gros caractères. Elle reçoit l’aide d’une professeure itinérante de la MAB qui veille à ce qu’elle puisse faire des progrès malgré son handicap. Des camarades de classe lui lisent les livres au programme. Les choses se déroulent bien, si l’on excepte les inévitables moqueries de certains à son égard, mais les amis sont là et prennent sa défense.

Canne blanche

À la fin de son secondaire, elle se voit offrir une canne blanche. Bien que fortement encouragée par ses parents, elle refuse d’abord de s’en servir pour ne pas afficher sa différence au vu et au su de tout le monde, quitte à faire quelques chutes en marchant. En réalité, elle l’utilisera pendant les six mois qui précéderont l’obtention de son premier chien-guide.

Chien-guide et braille

Eh bien, ce chien-guide, elle va le chercher au Michigan parce que la liste d’attente y est moins longue qu’à Mira. Elle prend ainsi l’avion seule pour la première fois, mais reçoit l’aide d’inconnus à l’aéroport et dans l’avion. Un instructeur l’attend à son arrivée à Détroit, puis l’amène à Rochester où elle vivra un mois, le temps de bien connaître son futur guide à quatre pattes, Clyde. Elle rencontre là-bas une Montréalaise unilingue francophone qui lui enseigne les rudiments du braille et dont elle devient en quelque sorte l’interprète. C’est à son retour à Montréal et, plus tard, à l’INCA, à Edmonton, qu’elle améliorera sa connaissance du braille.

Comme d’autres personnes rencontrées dans le cadre de notre projet, Diane a un peu de mal au début à faire accepter son chien. C’est encore le cas en 2015 dans quelques restaurants et taxis. Selon elle, la canne blanche peut chercher et trouver les obstacles tandis que le chien peut les éviter. Cependant, ce n’est pas une machine et il peut donc avoir un moment de distraction, par exemple s’il rencontre un autre chien.

Même avec un chien-guide à la maison, Diane prend parfois sa canne blanche pour se rendre à un concert avec des amis, aller danser avec son mari, etc., bref des activités où la présence du chien ne s’avère pas indispensable. Signalons néanmoins que Diane milite au sein de l’Association pour les chiens-guides du Canada. Cette cause lui tient à coeur, car elle va jusqu’à piloter une voiture de course pour amasser des fonds destinés à une école de dressage de chiens-guides; ajoutons qu’un copilote voyant se tient alors à sa droite…

Cours de secrétariat

À son retour des États-Unis, en 1983, elle s’inscrit à un cours de secrétariat. Toutefois, elle n’y restera qu’un semestre, les livres en gros caractères dont elle a besoin lui parvenant… après les examens.

Études et travail en Alberta

Parce que son petit ami, rencontré à Montréal, habite Edmonton, Diane le suit là-bas. L’aventure ne dure qu’un an. La jeune femme demeure quand même à Edmonton et retourne aux études.

Elle entreprend en 1988 un baccalauréat à l’Université de l’Alberta. Un an plus tard, elle s’inscrit à un cours de deux ans en réadaptation à l’Université MacEwan. Pendant quelque temps, elle se fait humoriste dans les bars pour payer ses études. C’est en 1992 qu’elle commence à gagner sa vie dans le milieu des personnes vivant avec un handicap en obtenant un emploi à la Good Samaritans Society. Son travail consiste à faciliter le quotidien de personnes atteintes d’une déficience intellectuelle, vivant en appartement et devant par exemple gérer un budget. Diane doit aussi sensibiliser au handicap les proches de ces personnes.

Mariage

En juin 1991, Diane épouse Thane Satre, un homme qui évolue lui aussi dans le monde de la réadaptation. Deux ans plus tard, une fille, Summer, vient au monde. La petite famille déménage alors à la campagne et s’installe sur une ferme, située à une heure de voiture d’Edmonton. Pendant que monsieur travaille dans la capitale, madame s’occupe des poules et du jardin. L’hiver, nous le savons bien, peut être rigoureux en Alberta. La fillette a 3 ans lorsque le couple se sépare. Accompagnée de Summer, Diane revient vivre à Edmonton.

Études et travail 2

Elle retourne à l’Université MacEwan où elle suit à temps partiel des cours en gestion. C’est durant cette période de sa vie, précisément en avril 2001, qu’elle épouse Blaine Bergeron, déjà père d’un garçon d’une dizaine d’années. Elle travaille alors pour la ville d’Edmonton, responsable des relations avec les personnes handicapées, un poste qu’elle occupera jusqu’en 2004.

Tout en fréquentant pour une troisième fois l’Université MacEwan, inscrite cette fois en ressources humaines et administration, elle passe en 2004 au service du gouvernement de l’Alberta qu’elle conseille dans ses politiques touchant les personnes handicapées, ce qui ressemble beaucoup à ce qu’elle faisait déjà à Edmonton. Et comme si cela ne suffisait pas, elle trouve également le temps, en 2009, de suivre des cours par Internet avec l’Université Royal Roads de Victoria et doit même y faire deux séjours de trois semaines chacun, laissant mari et enfants à la maison.

INCA

En mai 2012, elle est embauchée par l’INCA, bureau d’Edmonton, à titre de directrice nationale, relations gouvernementales et promotion des droits. Parce que sa fille peut maintenant voler de ses propres ailes, Diane accepte d’être mutée à Ottawa et le couple y déménage en septembre 2014. Chose certaine, l’hiver y est moins rude qu’à Edmonton. Les personnes handicapées visuellement d’Ottawa n’ayant pas droit au transport adapté, Diane, guidée par son chien, prend chaque jour l’autobus pour se rendre au bureau.

Selon son amie et collègue Marie-Camille Blais, Diane est

« un modèle inspirant la confiance et le dépassement de soi. Toujours en évolution, elle travaille à se dépasser continuellement. Il y a ce petit quelque chose de magique en elle, rien de superflu. C’est ce mélange entre les deux, les pieds sur terre et cet élan continuel, qui la pousse. »

Voyages

Dans le cadre de son travail, Diane se déplace en autobus, oui, mais aussi en avion, et ce, trois à quatre fois par mois pour assister à des réunions tenues au Canada et aux États-Unis (Boston, Chicago, etc.). Elle représente l’INCA aux congrès de l’Union mondiale des aveugles, ce qui l’a amenée en avril 2014 à Londres et en Norvège. En 2015, c’est  l’Ouganda: elle s’y rend avec un accompagnateur, son chien-guide étant interdit d’entrée là-bas.

Mais Diane ne connaît pas seulement ce type de voyage. En 2012, pour faire plaisir à son mari qui désire y fêter son 50ième anniversaire, Diane l’accompagne en Australie. Le couple loue une voiture à Sydney, parcourt une bonne partie du pays et atteint la petite station balnéaire de Port-Douglas au nord.

Quand elle voyage, à défaut de voir ce qui l’entoure, Diane aime parler aux gens que le hasard met sur son chemin. Selon elle, une personne handicapée a le droit de voyager comme tout le monde et peut le faire si elle y croit vraiment. Le handicap se trouve davantage dans la tête que dans les yeux.

Sport

« Qui pourrait croire, demande Marie-Camille, Blais, qu’il y a quelques années, Diane ne s’intéressait ni au sport ni à la condition physique? Aujourd’hui, elle court, pédale et nage, ne compétitionnant qu’avec elle-même, tout en y prenant un plaisir fou. »

Triathlon

C’est vrai. Pour Diane qui en fait depuis à peine trois ans, le sport représente un beau défi. Elle est membre de l’association One with One qui organise des triathlons. Pour sa part, elle pratique la natation, le vélo tandem et la course à pied. Elle s’entraîne en vue de participer à la compétition Ironman Canada qui se tient en août 2015 au mont Tremblant. Le défi est de taille: il lui faut nager sur une distance de 4 kilomètres, en parcourir 180 en vélo tandem et, enfin, en courir 42, et tout cela, en 17 heures ! Tout un défi, en effet !

Elle nage dans un lac, reliée à sa guide par une corde. Cela exige qu’elle soit très attentive parce qu’il peut y avoir des centaines de personnes autour d’elle, donc beaucoup de bruit. Quand elle court, elle le fait en tenant la main de son accompagnatrice.

Bateau-dragon

Nous retrouvons également Diane dans des courses de bateaux-dragons à bord desquels peuvent ramer une vingtaine de personnes. Avec des gens d’Edmonton, elle a participé en septembre 2014 au championnat mondial tenu en Italie. L’équipe, qui comprenait quatorze rameurs handicapés de la vue, a gagné la médaille d’or au 200 mètres.

Sport extrême

Signalons, avant de clore ce chapitre sur le sport, que Diane s’est livrée à un exercice qui sort passablement de l’ordinaire. Dans le cadre d’une collecte de fonds visant à venir en aide à des enfants handicapés, elle escalade la façade d’un hôtel d’Edmonton de 29 étages, bien ficelée heureusement dans des cordes qui la relient à une personne juchée sur le toit de l’immeuble ! Cela constitue, avouons-le, une manière plutôt originale… et téméraire de recueillir des fonds.

Lecture

Étant donné que Diane n’est pas une lectrice de braille très rapide, elle se détend véritablement en écoutant des livres sonores. Elle avoue avoir un faible pour les romans policiers parce qu’ils lui changent les idées et lui font oublier le travail où elle doit constamment se concentrer. Comme employée de l’INCA et lectrice, elle estime important que le gouvernement assure la survie des bibliothèques numériques pour personnes vivant avec un handicap visuel.

Vaincre les obstacles

« Dans ma vie, il y a beaucoup de barrières », déclare Diane. Mais elle ne s’y arrête pas, elle trouve au contraire une façon de les contourner. Pas question d’abandonner la partie et de s’avouer vaincue. Non, car elle croit être en mesure d’éliminer les obstacles.

« Diane marque le pas, déclare son amie Marie-Camille. Ses actions, ses gestes et ses paroles sont une affirmation pour l’inclusion et l’accessibilité. »

Diane s’estime très heureuse de la vie qu’elle mène. Elle qui fête ses 50 ans en 2015 souhaite accomplir encore plein de choses, voyager davantage… et continuer à se battre pour améliorer la vie des personnes qui partagent son handicap à travers le pays. Cette femme, qui est membre de l’organisme AEDC, serait satisfaite de pouvoir accroître la qualité de vie, ne serait-ce que d’une seule personne handicapée visuellement, car elle aurait alors le sentiment de ne pas avoir perdu son temps.[mks_separator style= »solid » height= »2″]

Attention !

En terminant cette biographie, nous vous offrons une galerie de photos. Elle s’adresse aux parfaits voyants, aux semi-voyants, aux personnes conservant une vision modeste et aux aveugles. Il est un peu complexe de concevoir une galerie de photos pour une telle démographie. Voici donc le mode d’emploi :

Si vous avez l’usage de la vue et que vous utilisez une souris, il vous suffit de cliquer sur une photo, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, cliquez sur l’icône X, en haut à droite.

Si vous disposez d’une vision modeste, si vous utilisez JAWS, si peut-être vous souhaitez faire une présentation à des amis voyants, alors suivez les consignes qui suivent. Chaque photo est agrémentée d’un LIEN GRAPHIQUE, visible et audible uniquement par les utilisateurs de JAWS. Faites ENTER sur ce LIEN GRAPHIQUE, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, appuyez sur ÉCHAPPE.

Bon visionnement !

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