« La vie est comme un instrument de musique; il faut la tendre et la relâcher pour la rendre agréable. »
Notre voyage débute dans la région de Charlevoix. Fondée en 1935, la ville de Clermont doit son nom à son fondateur, Félix-Antoine Savard, religieux et écrivain, auteur du célèbre Menaud, maître-draveur, roman publié en 1937. C’est à Clermont que vivra Olivier d’Anjou, né le 21 octobre 1996 à Québec.
Dans un article paru dans L’Éclaireur, bulletin de l’Association québécoise des parents d’enfants handicapés visuels (AQPEHV), Olivier écrit : « Ma vie n’a pas toujours été facile, car je suis né à vingt-cinq semaines de grossesse1 ». En fait, il est atteint de paralysie cérébrale, est aveugle et a des problèmes pulmonaires; c’est un « asthmatique allergique très sévère », précise sa mère. Pas étonnant que son enfance et son parcours scolaire aient été, ainsi qu’il l’écrit lui-même, « ponctués de nombreuses hospitalisations ».
Conséquence de ce qui précède : tout comme son frère jumeau Christophe, Olivier se déplace depuis toujours en fauteuil roulant. Toutefois, il utilise une marchette à la maison lorsque son arthrite le laisse en paix. Contrairement à Olivier, Christophe jouit d’une vision normale.
Le père est copropriétaire d’une entreprise spécialisée dans la vente de produits laitiers.
Cours primaire et secondaire
Avant même d’entrer à l’école, Olivier apprend le braille, mode de lecture qu’il délaissera en partie plus tard, technologie oblige, au profit de l’audio. Il fait ses études primaires et secondaires dans des écoles du secteur régulier à La Malbaie, près de Clermont. On lui octroie bien sûr des aides visuelles telles qu’un dactylo braille et un preneur de notes. Il utilisera aussi un afficheur braille branché à un ordinateur. Des intervenants adaptent également la maison familiale. Le secondaire débute difficilement, car Olivier n’y retrouve pas tous les amis qu’il s’était faits au primaire. Il dira néanmoins ne pas avoir subi de brimades de la part des autres élèves. Les choses semblent se dérouler assez bien puisque, en 2012, l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ) désire souligner la persévérance dont ce jeune homme lourdement handicapé fait preuve dans son quotidien en lui décernant une « mention d’honneur ».
Cégep
En septembre 2015, Olivier entreprend des études collégiales, toujours à La Malbaie. Ne sachant pas trop à ce moment quel métier il exercera un jour, il suit les cours de base : français, philosophie, etc. En deuxième année, il pourrait étudier en techniques de gestion de commerce. Il reçoit à l’occasion l’aide d’étudiants qui prennent des notes à sa place. Ce passionné d’informatique se munit d’un ordinateur hybride, c’est-à-dire une tablette détachable avec un clavier. Il communique par Skype ou autrement avec d’autres jeunes non voyants du Québec et même du Missouri (États-Unis).
Travail
Il est fier de travailler à temps partiel pour un commerçant de La Malbaie, un détaillant Bell.
Le soir même de l’entrevue, Olivier commençait sa saison d’été au magasin. Il y travaillera quatre jours par semaine jusqu’à la reprise des cours au cégep.
La musique
Il y a bien sûr l’informatique, mais une autre passion va venir enchanter sa vie, celle de la musique.
« Au mois de mai 2015, raconte Olivier, j’ai découvert que j’aimais jouer de la musique, plus précisément des instruments à vent. C’était bénéfique pour mes poumons, mais ça me permettait également de me distraire, ce qui n’était pas le cas avec les appareils respiratoires que j’utilise chaque jour. J’ai donc acheté une flûte à bec en bois afin d’obtenir un son de meilleure qualité. Je ne me doutais pas à ce moment-là que le fait de jouer de la musique deviendrait une passion pour moi1. »
Le mélodica
La paralysie cérébrale dont est touché Olivier le limite dans le choix des instruments de musique, car il ne peut jouer correctement qu’avec la main droite. À l’été 2015, il passe de la flûte à bec à un instrument moins connu, le mélodica. Il le décrit ainsi :
« Un mélodica est un clavier de piano dans lequel on souffle. Il faut aussi appuyer sur les touches du clavier pour jouer la mélodie. Si l’on souffle sans appuyer sur une touche, aucun son ne sortira de l’instrument. Pour en donner un synonyme, le mélodica est un piano à vent1. »
Ajoutons que ce clavier peut avoir une portée d’une octave et demie à trois octaves.
Olivier commence alors à jouer au mélodica les chansons qu’il avait appris à jouer à la flûte à bec. Quand il apprend une nouvelle chanson, il le fait à l’oreille, sans l’aide d’une partition en braille. Comme il a des problèmes pulmonaires, jouer du mélodica fait du bien à ses poumons, comme il l’a mentionné lui-même.
Cégep en spectacle
En quelques semaines seulement, Olivier se rend compte qu’il est doué pour la musique. En novembre 2015, il franchit une autre étape et participe au concours « Cégep en spectacle » à La Malbaie. Cet événement d’envergure permet chaque année aux étudiants de se dépasser dans plusieurs disciplines artistiques et de montrer leur savoir-faire. Et comment cela fonctionne-t-il?
« Chaque cégep, explique Olivier, a une finale locale, ensuite les gagnants vont en finale régionale, enfin il y a une finale nationale. »
Olivier y interprète la chanson Don’t stop believin’ du groupe américain Journey.
« Pendant ma prestation, écrit-il, j’ai joué quelques fausses notes. J’étais déçu de moi, car je visais la perfection. Ce n’est qu’après la prestation que j’ai commencé à être fier de ce que j’avais accompli1. »
De toute évidence, il a livré une bonne performance puisqu’à l’issue de la soirée, le jury lui a accordé une mention « coup de cœur » pour sa prestation et le message qu’il a livré à la centaine de personnes présentes dans la salle. Après son numéro, Olivier a cherché en effet à encourager ceux et celles vivant avec un handicap à tout faire pour réaliser leurs rêves, autrement dit à « foncer ». Lui-même est aveugle et en fauteuil roulant, c’est vrai, mais cela ne l’empêche pas de mordre dans la vie.
Gala de la réussite
Le Gala de la réussite du cégep de La Malbaie a lieu en avril 2016 au Domaine Forget de Saint-Irénée. Christophe et Olivier sont tous deux en nomination pour le grand intérêt qu’ils portent à l’anglais. Le premier gagne une bourse de 250 $ tandis que le second interprète au mélodica un autre air du groupe Journey.
Vacances au bord d’un lac
Le fait qu’Olivier ait été exempté des cours d’éducation physique à l’école ne veut pas dire qu’il ne fait pas de sport. À la fin de juillet 2016, il ira pour une deuxième année de suite passer deux semaines dans un camp de vacances adapté au lac Massawippi (Cantons-de-l‘Est). Bien que le camp soit bilingue, Olivier enprofite, tout comme son frère, pour améliorer son anglais. Il peut pratiquer le ski nautique, assis dans une chaise et surveillé par deux moniteurs qui skient à ses côtés pour plus de sécurité. Il peut également faire une balade en bateau, s’adonner à la menuiserie, se rendre à l’atelier d’arts plastiques, etc. Bref, le temps d’oublier le travail et les études au bord d’un lac où l’été invite à goûter différemment chaque minute.
Note
- D’Anjou, Olivier, « Cégep en spectacle », L’Éclaireur, 2015-2016, p. 20.