« L’entraîneur médiocre parle, le bon explique, le super démontre et le meilleur inspire »
(John Kessel).
Né à Québec le 7 août 1961, Robert Deschênes vient au monde avec une déficience visuelle. La famille comptera cinq enfants dont trois seront handicapés de la vue, Robert étant le plus atteint. Sa mère s’aperçoit assez vite que, lorsqu’elle lui tend des objets, il ne les saisit pas. Aussi, Robert n’ira pas à l’école dite régulière, mais fréquentera plutôt des écoles spécialisées.
Québec, Montréal, Longueuil
Robert se retrouve d’abord à l’école Saint-Vincent de Québec, fondée en 1965, pour y faire ses Ière et 2ième années du primaire. Pour faciliter sa lecture, on lui offre des livres en gros caractères.
Au cas où il deviendrait aveugle à l’adolescence, sa mère juge plus prudent de l’inscrire ensuite à l’Institut Nazareth de Montréal où il fait ses 3ième et 4ième années. C’est là qu’il découvre le braille. Ce pensionnaire retourne dans sa famille seulement lors des grands congés.
Enfin, le voilà à l’Institut Louis-Braille, rue Beauregard, à Longueuil, pour ses 5ième et 6ième années. Il y apprend le piano avec Jacques Larose (voir sa biographie), toutefois il ne sera pas très intéressé par la musique. Une chose cependant capte aussitôt son attention : les sports! Les élèves étant pensionnaires et sortant peu de la bâtisse, ils ont bien du temps à consacrer à l’activité physique.
Robert avouera garder un très bon souvenir de ses quatre années de pensionnat.
Polyvalente de Charlesbourg
De retour à Québec, Robert va effectuer le cours secondaire à la polyvalente de Charlesbourg. Cette école présente la particularité d’accueillir entre autres des élèves handicapés visuellement. En Ière et 2ième années du secondaire, des classes leur sont exclusivement réservées et des professeurs leur sont attitrés. À compter de la 3ième année, ils sont progressivement intégrés dans des classes régulières. Robert dira que c’était là « une formule intelligente », car l’intégration se faisait petit à petit. À la fin de son secondaire, il pense travailler un jour en administration ou en comptabilité. Robert est cependant très influencé par Louis Michaud, éducateur physique, qui lui fait découvrir et surtout aimer pratiquer des activités physiques.
À la polyvalente, il a donc un faible pour les cours d’éducation physique adaptée. En plus du goalball, il pratique de nombreux sports dont l’athlétisme et le ski alpin. Une fois installé à Montréal, il continuera de pratiquer le hockey sonore avec le club des Hiboux, mis sur pied en 1979. C’est à la polyvalente qu’il rencontre Mario Caron, Yvan Bourdeau, Danielle Lessard, France Gagné, etc., des gens qu’il devait croiser de nouveau et qui allaient se faire un nom dans l’univers du sport pour personnes aveugles.
Retour à Montréal
De la polyvalente, il passe au cégep de Limoilou où il obtient deux ans plus tard son diplôme d’études collégiales en sciences humaines, aidé en cela par le centre Louis-Hébert qui lui fournit des aides optiques. Il lit toujours l’imprimé, mais lentement : en fait, lire s’avère plus difficile que se déplacer. Au lieu d’aller étudier en relations industrielles à l’Université Laval, il entreprend à l’automne 1981 un baccalauréat en enseignement de l’activité physique à l’Université du Québec à Montréal. Il ne connaît quasiment personne, à l’exception de Pierre Lambert qui le fait entrer dans le réseau montréalais de ceux et celles qui vivent avec une déficience visuelle.
Des études au travail
Alors qu’il achève son baccalauréat, Robert commence à gagner sa vie dans le milieu des personnes handicapées. Il est accompagnateur, puis coordonnateur à l’organisme « Nous nous intégrons en commun ». Nous le retrouvons ensuite au Service des sports et loisirs de la ville de Montréal en tant qu’animateur sportif et assistant-coordonnateur, dans le but de faire participer de jeunes handicapés aux Jeux de Montréal. En 1986, il décroche un emploi comme agent de développement à l’Association des sports pour aveugles de Montréal (ASAM) avant de diriger la même association pendant quatre ans; nous reparlerons plus loin de l’ASAM. De 1991 à 1993, il coordonne les compétitions du Défi sportif au sein de l’Association régionale pour le loisir des personnes handicapées de l’île de Montréal (ARLPH), aujourd’hui AlterGo. Il poursuit sa carrière à titre d’agent de développement à l’Association québécoise des sports en fauteuil roulant où se pratiquent, notamment, le basketball et le rugby.
Employabilité
En 1994, Robert se tourne vers quelque chose de nouveau, mais ses « clients » seront ici encore des personnes ayant un handicap visuel. Il entre au Service externe de main-d’œuvre (SEMO), logé alors à l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA). Deux ans plus tard, il est toujours conseiller en main-d’œuvre, cette fois à la Société québécoise pour les personnes aveugles (SQPA). Dans l’un et l’autre de ces organismes, il est chargé de l’intégration professionnelle et du maintien en emploi des personnes non voyantes. Son poste de conseiller l’amène à travailler avec des intervenants d’un centre de réadaptation créé en 1975, l’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB) de Longueuil.
INLB
C’est justement par l’INLB que Robert est embauché à l’automne 1998. À titre d’agent de réadaptation en déficience visuelle, il intervient en informatique adaptée auprès des usagers.
Au moment d’écrire ces lignes, en novembre 2015, Robert exerce toujours ce métier auprès de la clientèle adulte et, depuis un an, il est aussi coordonnateur professionnel en communication informatique adaptée. Il a travaillé sept ans avec la clientèle aînée de l’INLB, clientèle qui croît le plus rapidement. La chose s’explique aisément : vivant plus longtemps qu’il y a cinquante ans, les gens sont plus susceptibles d’être affectés par une maladie comme la dégénérescence maculaire.
Goalball
Quittons le monde du travail pour nous intéresser de plus près au goalball qui a tenu, c’est le moins que l’on puisse dire, une très grande place dans la vie de Robert. Après avoir pratiqué ce sport à la polyvalente de Charlesbourg, il compte bien continuer d’y jouer à Montréal. Dès 1981, il y a en effet du goalball à l’ASAM même si l’Association n’existe pas encore officiellement avec une charte en bonne et due forme, charte qui sera d’ailleurs rédigée avec l’aide de Gérald Miller (voir sa biographie). Le goalball est donc le premier sport offert par l’ASAM et permet déjà à Robert de participer à des tournois hors Québec. À compter de 1984, s’ajoutent d’autres sports tels que le ballon-balai, le judo et le ski alpin, ce dernier apparaissant donc à l’ASAM avant le ski de fond.
Entraîneur
Nathalie Chartrand, une ex-athlète paralympique de goalball, écrit : « Être entraîneur, c’est non seulement se présenter aux entraînements, mais c’est aussi développer une complicité avec les athlètes, se perfectionner en stratégie ainsi que voyager pour les compétitions locales, nationales et internationales ».
Si Robert a été un fervent joueur de goalball, il a été également, comme nous l’avons écrit plus haut, entraîneur. C’est en 1985 qu’il débute comme entraîneur à l’Association sportive des aveugles du Québec (ASAQ). Il se distingue si bien par sa faculté de motiver autant les individus que les groupes qu’il sera un jour l’entraîneur des équipes nationales masculine et féminine du Canada aux Paralympiques. Un très bon entraîneur s’il faut en croire le programme souvenir du 35ième anniversaire de l’ASAQ :
« Robert Deschênes, peut-on y lire, a pris part à quatre Jeux Paralympiques. Comme joueur en 1984 à Long-Island, puis en tant qu’entraîneur aux Jeux Paralympiques de Séoul en 1988, d’Atlanta en 1996 et de Sydney en 2000. À Séoul, il a mené l’équipe féminine du Canada à la médaille de bronze. Aux Jeux Paralympiques d’Atlanta, il est l’entraîneur de l’équipe masculine qui a remporté la médaille d’argent. »
Bénévolat
Robert n’a pas 20 ans qu’il commence à s’impliquer dans l’univers du sport pour personnes aveugles. Il habite encore Québec lorsque, en 1979, il devient membre du conseil d’administration de la toute nouvelle Association canadienne des sports pour aveugles (section Québec) qui changera sa dénomination sociale quelques années plus tard pour l’ASAQ. En 1983, devenu montréalais, il fonde avec Pierre Lambert et Micheline Poirier l’Association des sports pour aveugles de Montréal. Il en sera le président jusqu’en 1985 et de nouveau de 1990 à 2000. Il dira avoir assez bien réussi à l’époque dans l’art périlleux de demander des subventions, car il fallait bien payer le loyer et les salaires des employés dont le nombre s’est déjà élevé à 10. « De fil en aiguille, affirmera-t-il, on maintenait les services aux gens. »
Selon lui, il était important de faire bouger les personnes handicapées visuellement afin de les sortir de leur isolement. En 2000, il est élu président du conseil d’administration de l’ASAQ, poste qu’il occupe toujours.
« Au fond, dira-t-il pour résumer une bonne partie de sa vie, dans le sport pour aveugles, quand je n’ai pas été un employé payé, j’étais bénévole. »
Comme si son bénévolat auprès de l’ASAQ et de l’ASAM ne suffisait pas, Robert représente à compter de 1987 l’ASAQ au sein de l’Association canadienne des sports pour aveugles (ACSA). Quand il quitte cette dernière en 1996, il est coordonnateur au développement des provinces.
Et ça ne s’arrête pas là. Ajoutons la présidence de la commission de goalball, l’écriture de nombreux articles, la transformation des sites Internet de l’ASAQ et de l’ASAM afin de les rendre plus accessibles à leurs membres, etc.
Yoga
« Un éducateur physique qui ne bouge plus, déclare Robert, c’est pas trop logique ! » N’empêche qu’il bouge moins qu’avant. Il a découvert le yoga et la pratique assidue de cette discipline lui suffit amplement. Lui qui s’est tant adonné au sport et en a fait faire aux autres cherche maintenant à s’y remettre !
Voyages
Lui qui a aussi beaucoup voyagé à l’étranger comme joueur et entraîneur de goalball, et non pas en touriste, tient-il à préciser, prend le temps de parcourir le Québec. Martine, sa compagne, étant elle aussi handicapée de la vue, le couple ne possède pas de voiture. « Il faut être imaginatif, affirme Robert, quand on veut aller en vacances quelque part. » Ainsi, Robert et Martine vont là où ils peuvent marcher, là où disposer d’une voiture n’est pas essentiel. Pour Robert, en voyage ou ailleurs, il importe de savoir composer avec son handicap, car la vie est trop courte pour s’apitoyer sur soi, ce qui n’empêche pas qu’on puisse à l’occasion ressentir une certaine frustration. Somme toute, il faut savoir tirer son épingle du jeu avec ce qu’on a.
Une place au soleil
Robert se dit assez content d’avoir réussi à se tailler une place dans la société. À force de persévérance, il a fait des études qui lui ont permis d’occuper des emplois mettant en valeur ses compétences. Et, chose rare pour une personne vivant avec un handicap visuel, il n’a jamais manqué de travail. « Assez jeune, dit-il, j’ai compris que j’aurais avantage à étudier. » Il a senti que là était vraiment sa planche de salut.
Et que dire du sport sur lequel il faut revenir ici. L’ex-entraîneur se montre fier d’avoir amené ses athlètes de goalball aux Paralympiques. Il a vécu là des moments très intenses et estime qu’il n’y a pas grand-chose dans la vie qui « peut égaler ça ».
« Si je devais décrire Robert Deschênes… »
« Si je devais décrire Robert Deschênes, raconte Nathalie Chartrand, je dirais, sans mauvais jeu de mots, que c’est un homme avec une vision. Il voit au-delà des intérêts personnels, il considère d’abord la clientèle avec une déficience visuelle. Parce qu’il utilise les services autant qu’il les développe, il a une expérience qui vaut de l’or. C’est un homme avant-gardiste qui ne fait pas que parler des choses, il les bâtit! Bref, il est de ces hommes dont on ne peut plus se passer quand on a le privilège de le compter parmi ses bénévoles. Il est passionné, il donne ses heures sans compter et avec le sourire! »
Attention !
En terminant cette biographie, nous vous offrons une galerie de photos. Elle s’adresse aux parfaits voyants, aux semi-voyants, aux personnes conservant une vision modeste et aux aveugles. Il est un peu complexe de concevoir une galerie de photos pour une telle démographie. Voici donc le mode d’emploi :
Si vous avez l’usage de la vue et que vous utilisez une souris, il vous suffit de cliquer sur une photo, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, cliquez sur l’icône X, en haut à droite.
Si vous disposez d’une vision modeste, si vous utilisez JAWS, si peut-être vous souhaitez faire une présentation à des amis voyants, alors suivez les consignes qui suivent. Chaque photo est agrémentée d’un LIEN GRAPHIQUE, visible et audible uniquement par les utilisateurs de JAWS. Faites ENTER sur ce LIEN GRAPHIQUE, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, appuyez sur ÉCHAPPE.
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