Standards sur l’accessibilité du Web

Voici une lettre que nous avons transmis à Monsieur Pierre Moreau, président du Conseil du Trésor  le 8 mars 2017

Monsieur le Président,

Le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec (RAAQ) a pour mission de promouvoir et de défendre les droits des personnes aveugles et amblyopes du Québec, afin de favoriser leur intégration à part entière dans tous les domaines de l’activité humaine. Cela nous amène à être particulièrement sensibles aux questions d’accessibilité du Web.

La démocratisation de l’Internet a été un moment très important pour les personnes en situation de handicap visuel. En effet, avec les technologies appropriées, une personne aveugle ou malvoyante peut avoir accès à une tonne d’information qui lui était auparavant inaccessible. Cependant, les embûches que peuvent rencontrer les personnes non voyantes sont nombreuses. Manque de contraste dans les couleurs, champs associés à une mauvaise étiquette dans un formulaire ou encore un mauvais codage de l’ordre de lecture ne sont que des exemples empêchant une personne handicapée visuellement de naviguer sur un site Internet.

Pour s’assurer que les personnes en situation de handicap puissent avoir accès au contenu du Web, la communauté internationale a mis en place des standards appelés les WCAG (Web Content Accessibility Guideline) en 1996. Puisque l’Internet est en constante évolution, une nouvelle version des standards a vu le jour en 2008, appelé WCAG 2.0. Ces standards sont utilisés par plusieurs pays, dont le Canada.

Pour assurer l’accès des sites Internet gouvernementaux aux personnes en situation de handicap, le gouvernement du Québec a, quant à lui, adopté les standards gouvernementaux du Québec en ressources informationnelles (SGQRI) sur l’accessibilité du Web pour les personnes handicapées le 10 mai 2011. Selon la Loi sur l’administration publique, ces standards s’appliquent aux ministères et aux organismes gouvernementaux. Vous n’êtes pas sans savoir, Monsieur Moreau, que ces standards sont sous la responsabilité du Conseil du Trésor. Pourtant, nous observons que le Conseil collabore très peu dans la mise en œuvre des standards tant au niveau financier qu’au niveau des ressources affectées à ce dossier.

Malgré les efforts faits pour rendre accessibles les sites Web gouvernementaux, plusieurs plateformes Web gouvernementales mises en place après l’adoption des standards ne sont pas conformes. Il n’y a qu’à penser aux nombreuses consultations publiques menées par le gouvernement du Québec. L’ensemble des documents et des informations nécessaires à la participation des citoyens et des organisations se retrouve en ligne sur les sites Web des différents ministères et organismes publics. Considérant que les sites Web ne respectent pas les standards d’accessibilité, les personnes aveugles et malvoyantes rencontrent sans cesse des obstacles pour atteindre l’information recherchée. Par conséquent, elles sont exclues du processus. L’exemple le plus flagrant de ce que nous avançons est « Objectif numérique », la consultation de la Stratégie numérique du Québec. Non seulement le site Web n’était pas accessible, mais en plus la notion d’accessibilité du Web n’a pas été abordée.

Enfin, il est regrettable de constater que les réseaux de l’éducation et de la santé soient toujours exemptés de toute exigence en matière d’accessibilité du Web. Les enjeux de santé et d’éducation sont majeurs dans notre société et l’accessibilité des informations transmises par ces ministères et par les organismes gouvernementaux rattachés devrait être une priorité. Par exemple, le Portail «Santé mieux-être» du ministère de la Santé et des Services sociaux redirigeait les citoyens vers les sites Web de leur CISSS pour obtenir de l’information sur la campagne de vaccination contre la grippe et pour prendre un rendez-vous. Malheureusement, plusieurs sites Web de CISSS ne sont pas accessibles. La plateforme de prise de rendez-vous, développé par une entreprise privée, n’est pas accessible elle non plus. Les informations pour obtenir un vaccin contre la grippe sont pourtant capitales pour les populations vulnérables.

Les exemples d’État assumant leur leadership en matière d’accessibilité de l’information ne manquent pourtant pas. Le gouvernement fédéral s’est engagé à adopter une nouvelle loi sur l’accessibilité. Afin d’élaborer cette loi, il a tenu une consultation au cours des derniers mois auprès des Canadiens. Cette consultation en ligne était d’ailleurs un modèle en termes d’accessibilité. Mentionnons aussi la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, qui est une source d’inspiration concernant l’accès à l’information. En effet, contrairement aux standards québécois, la Loi ontarienne touche aussi bien les organismes publics que les grandes entreprises privées.

Avant le 10 mai 2016, le Conseil du trésor aurait dû entreprendre une révision des standards gouvernementaux du Québec en ressources informationnelles sur l’accessibilité du Web. Nous constatons avec regret que cette révision accuse un retard inacceptable. À plusieurs reprises au cours de la dernière année nous avons tenté d’obtenir des informations sur le processus de révision, tant auprès du Conseil du Trésor que de l’OPHQ. Nous constatons et déplorons le fait qu’il y a beaucoup de mouvement en ce qui a trait à la personne qui s’occupe de ce dossier. Ces divers changements nous font craindre que le Conseil du trésor ne porte aucun intérêt à ce dossier. Nous déplorons aussi que l’OPHQ ne soit pas en mesure de nous dire l’état de la démarche ni les personnes impliquées. L’Office ne semble pas connaître les informations relatives aux objectifs, aux échéanciers ou aux moyens mis en place pour la révision des standards.

L’accessibilité du Web représente pour le RAAQ un enjeu prioritaire. Nous voulons donc que le Conseil du trésor procède dans les meilleurs délais à la révision des standards, élargisse l’application de ceux-ci et affecte aux dossiers suffisamment de ressources pour en soutenir adéquatement la mise en œuvre. Nous souhaitons également connaître le nom des responsables avec qui nous pouvons discuter de ce dossier. En terminant, nous avons appris l’implication du secrétariat à la communication dans la révision des standards. Nous voudrions comprendre quel sera son rôle.

En vous remerciant par avance de l’attention particulière que vous porterez à nos demandes et en vous informant que nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, nos salutations distinguées.

Francine David

Présidente