ASIFI, SUNOBAR ou Le goût du dépassement

ASIFI, SUNOBAR ou Le goût du dépassement
Portrait de Sunobar asifi.

« La curiosité est une gourmandise »

(Victor Hugo).

Fondée au IVe siècle avant Jésus-Christ par Alexandre Le Grand, la ville de Kandahar est, après Kaboul et Hérat, la troisième ville en importance de l’Afghanistan. Elle a souvent constitué un objectif de conquête par sa position stratégique en Asie Centrale. C’est là que Sunobar Asifi vient au monde le 13 août 2000. Elle est aveugle de naissance, chose due à l’absence de globe oculaire dans ses yeux. Son frère et sa soeur, quant à eux, auront une vision normale.

Présence de la mère

« Quand je suis née, avoue Sunobar, j’avais peur de tout, j’avais même peur de mettre mes pieds sur le sol. » Sa mère est la seule personne avec qui elle se sent en sécurité. Sa mère l’encourage à apprivoiser les gens et les objets présents dans son environnement. Sunobar lui sera aussi très reconnaissante. Sa mère demeure sa meilleure amie et celle qui sait le mieux la motiver.

Découverte du braille

En tant que personne handicapée de la vue, Sunobar ne reçoit pas en Afghanistan l’aide que son état nécessite. Elle est même victime d’intimidation. Aussi ne va-t-elle pas à l’école, sa mère lui servant d’enseignante. Elle parvient cependant à apprendre le braille, anglais et arabe, avec des livres que sa mère fait venir de Kaboul, la capitale.

Le Canada

Parents et enfants vivent quelques années au Sri Lanka comme réfugiés. Pendant un an et demi, Sunobar fréquente une école où l’enseignement est offert en anglais, mais elle n’a droit ni à des outils adaptés ni à des livres en braille. La famille arrive au Canada en mars 2013 et s’installe au Québec, plus précisément à Gatineau.

Le centre de réadaptation La Ressource adapte son domicile, par exemple colle des repères tactiles sur les commandes du four à micro-ondes. Avec l’aide de sa mère et de son ergothérapeute, Sunobar apprend à devenir plus autonome. « Maintenant, dit-elle, je suis capable de faire des tâches ménagères, de cuisiner, de me maquiller. » Le centre lui donne aussi une canne blanche. L’objet s’avérant fort utile, Sunobar n’est pas gênée de s’en servir. Pendant l’été 2016, elle ira passer quelques semaines à Sainte-Madeleine pour en revenir, du moins elle l’espère, avec un chien-guide de la Fondation MIRA. Il lui sera plus facile ensuite de marcher dans les rues de Gatineau, surtout l’hiver avec les trottoirs enneigés. Elle ne devrait plus être désorientée parce qu’elle ignore où finit le trottoir et où commence la rue. Un pas de plus vers l’autonomie.

Découverte du français

En arrivant au Canada, Sunobar parle le dari, sa langue maternelle, et se débrouille pour communiquer aussi en anglais. À Gatineau, l’adolescente est inscrite dans une classe d’accueil de niveau primaire où elle s’attelle immédiatement à l’apprentissage oral du français. Puis elle est intégrée dans une petite classe qui regroupe six élèves ayant une basse vision et/ou une surdité. C’est là qu’elle apprend le braille français et l’utilisation de l’informatique. À l’écouter en 2016, on a du mal à croire qu’elle ne parlait pas français du tout à son arrivée au Canada. « Tout était nouveau pour moi, raconte-t-elle. Les gens me parlaient, mais je ne comprenais rien! C’était très dur. » Parler le français lui paraît plus facile que l’écrire.

« Quand je suis venue ici, au Québec, dit Sunobar, j’ai réalisé que je devais étudier en français! Au début, je voulais étudier en anglais, donc j’ai discuté à ce sujet avec mes parents et ils m’ont dit qu’ils avaient besoin d’un peu de temps pour y réfléchir. Alors, un jour, à mon école primaire, j’ai participé à un projet dans lequel je devais m’exprimer en français. Lors de ma présentation, j’ai été surprise de constater que tout le monde l’avait aimée. Cela m’a motivée à continuer ma scolarité en français et également à persévérer du fait que je me suis attachée à mes amis, à mes enseignants et à ma technicienne en éducation spécialisée, Mona Mercier. »

Une autre belle surprise l’attend à la fin de son court passage au primaire.

« J’ai reçu, raconte-t-elle, un beau cadeau de mon enseignante et de Mona. Des messages sonores de motivation ont été enregistrés sur une clé USB par tous mes amis, enseignants et intervenants. Lorsque je pense à eux, j’écoute ces messages qui parfois me font rire, me touchent beaucoup et m’encouragent dans mon parcours vers le secondaire. »

Mont-Bleu

Fortement appuyée par les enseignants et les intervenants de son école primaire, Sunobar tire tellement bien son épingle du jeu qu’elle entre en septembre 2015 dans une classe d’adaptation scolaire à l’école secondaire Mont-Bleu, toujours à Gatineau. Elle a passé une partie de ses vacances à se déplacer dans la bâtisse afin de se familiariser avec son nouveau décor. Elle travaille avec un ordinateur muni d’une synthèse vocale et d’un afficheur braille. Elle va même jusqu’à consulter son horaire sur son iPhone. Comme ses camarades, elle recourt à Internet pour faire ses recherches. Signalons que, depuis son primaire, un ange gardien veille sur elle en la personne de Mona, la technicienne en éducation spécialisée déjà citée. Mona lui dit ce qui est écrit au tableau pour qu’elle le note à l’ordinateur. Elle crée et adapte du matériel tactile pour une meilleure assimilation des concepts. Elle se tient aussi à ses côtés durant les cours d’éducation physique où Sunobar pousse l’audace jusqu’à monter sur le trampoline. Mona agit comme une vraie courroie de transmission. Elle se fait remettre par les enseignants des documents destinés à Sunobar, les adapte et les copie dans le dossier de l’élève. De plus elle transcrit de nombreux documents en braille. Il ne reste plus alors à Sunobar qu’à les transférer sur une clé USB pour faire ses devoirs et travaux.

Un sac à roulettes

Faire son cours secondaire dans une école qui comporte deux étages et compte plus de 1300 élèves oblige Sunobar à aller constamment d’une classe à l’autre. Or, cette jeune aveugle doit transporter son matériel adapté. Elle y parvient avec un sac à roulettes. Et c’est ainsi qu’elle arpente les corridors de l’école. Elle tire son sac à roulettes d’une main et, de l’autre, utilise sa canne pour se guider. C’est là un des défis qu’elle doit relever chaque jour.

Sensibilisation

Désirant sensibiliser son entourage à la vie des personnes non voyantes, Sunobar s’y consacre d’abord à l’école Mont-Bleu. En collaboration avec Mona et Nathalie Bourgault, animatrice à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire, elle fait d’abord le tour des classes de première année du secondaire. Elle parle de son handicap, de sa vie au quotidien et explique avec quels outils elle franchit les obstacles posés sur son chemin. Elle veut poursuivre son projet de sensibiliser les personnes voyantes et de rayonner dans son école et dans d’autres milieux. …)

En février 2016, Sunobar, Mona et Nathalie organisent à l’école un dîner dans le noir auquel assistent une vingtaine d’élèves qui jouent le jeu et portent un bandeau sur les yeux. La majorité des participants apprécient l’expérience et se disent même prêts à la répéter la semaine suivante! Enfin, des affiches sur les thèmes du bonheur et de l’amitié sont déployées dans l’école et sur lesquelles on peut lire des phrases positives écrites en français et… en braille. Tout cela fait que Sunobar est connue et a de bonnes amies qui, par exemple, le matin et après les cours l’accompagnent jusqu’à son casier.

Cette jeune fille attirée par les sciences songe à travailler un jour dans le milieu scientifique ou à devenir une écrivaine et écrire des nouvelles. Elle aime d’ailleurs écrire des poèmes.

Forces Avenir

Forces Avenir vise à souligner l’engagement ou la persévérance d’un ou d’une élève. Nathalie Bourgault en est responsable à l’école secondaire Mont-Bleu. Elle demande aux professeurs et intervenants s’ils ont un nom à proposer. Mona Mercier propose bien sûr Sunobar: celle-ci est choisie dans la catégorie « élève persévérant » et gagne ainsi 500 $. Sa nomination à Forces Avenir lui vaut également de la députée de Hull, Maryse Gaudreault, une lettre de félicitations en braille. « Il est quand même rare, souligne Mona Mercier, de recevoir du courrier adapté en braille! »

À la mi-mai, Sunobar sera évaluée par un jury et sera peut-être encore choisie, cette fois-ci pour la région de l’Outaouais. À l’automne, toujours en 2016, elle pourrait gagner un prix « coup de coeur » à Québec.

Aller de l’avant

Oui, il y a chez Sunobar cette volonté d’aller de l’avant, de se dépasser, et aussi ce désir de combattre les préjugés envers les non-voyants. Elle est très curieuse et désire accomplir plein de choses. « Plusieurs croient, dit-elle, que nous ne pouvons pas faire tout ce que nous voulons. C’est faux. » Celle qui s’exprime ainsi a couru deux kilomètres en mai 2015 lors d’un marathon tenu à Ottawa, et ce, en tenant le coude de son guide; a découvert le ski de fond et la raquette; a fait, sous la supervision d’un enseignant d’arts plastiques, de la peinture abstraite où elle a utilisé autant ses mains qu’une spatule pour donner plus de relief au tableau. Par ailleurs, elle joue du piano et de la flûte, et aimerais apprendre le violon et la guitare. Pour elle, une personne vivant avec un handicap visuel est donc en mesure d’accomplir les mêmes choses que toute autre personne, même si cela exige une certaine adaptation.

Sa cécité ne l’empêche nullement d’aimer voyager. Elle souhaite découvrir la France, les États-Unis, la Suisse, pour ne nommer que ces pays. Cette Sunobar possède une énergie proprement contagieuse. Selon Nathalie Bourgault, Sunobar « nous inspire quotidiennement à donner le meilleur de nous-mêmes ». On ne peut rêver d’un plus joli compliment.

Attention !

En terminant cette biographie, nous vous offrons une galerie de photos. Elle s’adresse aux parfaits voyants, aux semi-voyants, aux personnes conservant une vision modeste et aux aveugles. Il est un peu complexe de concevoir une galerie de photos pour une telle démographie. Voici donc le mode d’emploi :

Si vous avez l’usage de la vue et que vous utilisez une souris, il vous suffit de cliquer sur une photo, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, cliquez sur l’icône X, en haut à droite.

Si vous disposez d’une vision modeste, si vous utilisez JAWS, si peut-être vous souhaitez faire une présentation à des amis voyants, alors suivez les consignes qui suivent. Chaque photo est agrémentée d’un LIEN GRAPHIQUE, visible et audible uniquement par les utilisateurs de JAWS. Faites ENTER sur ce LIEN GRAPHIQUE, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, appuyez sur ÉCHAPPE.

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