VÉZINA DUPONT, GISÈLE, ou Une femme engagée

Portrait de Gisèle Vézina Dupont.

« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore votre rêve »

(Antoine de Saint-Exupéry).

C’est dans un Québec dirigé par l’Union nationale de Maurice Duplessis que Gisèle Vézina voit le jour. Née le 30 mai 1947 à Québec, elle est atteinte d’une rétinite pigmentaire, mais ne l’apprendra qu’à l’âge de 21 ans. Elle aura quatre sœurs et deux frères; ces derniers auront le même handicap visuel.

Infirmière

En 1965, Gisèle obtient son diplôme d’études secondaires, puis entreprend un cours d’infirmière dans un hôpital de Québec. En 1967, la voilà infirmière en bonne et due forme. Elle exercera son métier pendant douze ans, et ce, dans trois hôpitaux de la Vieille-Capitale.

Épouse et mère

Elle épouse Yves Dupont en 1974. Un premier enfant naît un an plus tard, trois autres suivront. Signalons qu’aucun de ses enfants n’héritera de son handicap.

1979

En 1979, Gisèle est âgée d’une trentaine d’années quand la vie la pousse dans une direction qui n’est pas du tout celle dans laquelle elle pensait s’engager. C’est en effet à ce moment que sa rétinite l’oblige à laisser un emploi qu’elle adore. Travaillant en salle d’opération, elle n’arrive plus à lire les étiquettes sur les bouteilles, ce qui se révèle pour le moins problématique. Elle consulte alors un médecin : selon lui, il n’y a rien à faire. Gisèle est sérieusement ébranlée et l’année qui suit s’avère assez pénible.

Une canne blanche

Après s’être informé à gauche et à droite, son mari apprend l’existence à Québec du centre de réadaptation Louis-Hébert. Gisèle y reçoit notamment un cours d’orientation et de mobilité mais, ainsi que bien d’autres personnes qui vivent pareille situation, est gênée d’utiliser la canne blanche. Elle sent que les gens sont mal à l’aise et n’osent pas lui adresser la parole. Alors elle range l’objet intimidant dans un garde-robe, et tant pis pour les chutes! Elle mettra un an avant d’accepter la canne. Toutefois, avec de jeunes enfants à la maison et un mari au bureau, elle n’a pas le choix et doit se débrouiller toute seule une partie de la journée. Il lui faut notamment apprendre aux enfants à ne rien laisser traîner par terre même s’ils ne comprennent pas tout de suite ce que veut dire le fait de ne pas voir.

Le handicap, une force

Un jour, après avoir écouté un film où s’exprimait une personne non voyante, Gisèle a une perception plus sereine de la vie qui l’attend. Pas question d’avoir comme unique perspective le regret d’être privée de la vue. Elle décide au contraire de faire ce qu’il faut afin que son handicap devienne une force. Elle souhaite que les gens voient en elle d’abord et avant tout une personne et non seulement une personne handicapée. Bientôt, elle échangera la canne blanche pour un chien-guide… et ne passera pas tout à fait inaperçue.

Un chien-guide

La vie a parfois de ces hasards. Au Carnaval de Québec, une pancarte attire l’attention du couple : c’est une publicité de la toute jeune Fondation MIRA. Gisèle fait aussitôt une demande de chien-guide qui est acceptée. Laissant trois enfants à la maison, mais ils viendront la voir un week-end, elle va donc passer un mois au 1255 de la rue Beauregard à Longueuil où sont logés les bénéficiaires de la Fondation. « C’était des découvertes à tous les jours », dira-t-elle. En octobre 1981, elle est bénéficiaire du premier chien-guide, appelé Belle, de la Fondation MIRA. Très vite, elle a l’impression d’avoir des ailes, en tout cas elle se sent plus sûre d’elle. Et pour montrer sa reconnaissance envers la Fondation, elle va dorénavant consacrer ses énergies à la cause des non-voyants, à leur autonomie dans la société. Au moment d’écrire ces lignes, en juillet 2015, Gisèle en est à son sixième chien-guide.

Fondation MIRA

Aider les non-voyants, oui, et pour ce faire, elle devient directrice régionale de l’Est du Québec de la Fondation MIRA. Elle ignore à ce moment que son passage à MIRA lui vaudra bientôt plusieurs prix et récompenses. Après avoir été pendant quelques années administratrice au conseil d’administration, elle en devient présidente en 1985. Laissons Yves Dupont raconter les débuts de Gisèle :

« Alors que la Fondation MIRA est menacée de fermeture à cause du manque de fonds, Gisèle met sur pied en 1981 la première campagne de financement à Québec en recrutant le joueur étoile des Nordiques Michel Goulet comme président d’honneur. Au cours des 22 années suivantes, elle coordonne des campagnes de financement où l’on récolte en moyenne 600 000 $ annuellement. »

MIRA au quotidien

600 000 $ annuellement? Pas mal pour une dame qui n’avait jamais fait de collecte de fonds! Avec Yves, voyons où en est Gisèle en 2001 :

« Vingt ans après la mise sur pied de MIRA Québec, Gisèle Vézina Dupont, qui est mère de quatre enfants, supervise six employés, coordonne l’encadrement d’une soixantaine de familles d’accueil hébergeant un chiot aspirant chien-guide, ainsi qu’une armée de bénévoles travaillant aux différentes activités de financement de l’organisme. »

Cette « armée de bénévoles » dont parle Yves a compté jusqu’à 1000 personnes !

Conférencière

En 2003, au moment où Gisèle quitte la Fondation MIRA, sa réputation est telle que différents organismes l’invitent à prendre la parole devant leurs membres. Elle se promène ainsi de l’Association des fabricants de meubles du Québec à l’Association canadienne des policiers et policières en passant par les Clubs Lions, le Club de dressage Cap Diamant et les Chevaliers de Colomb. Elle participe à un colloque sur la réadaptation fonctionnelle des personnes handicapées de la vue. On la voit à la télévision, on l’entend à la radio. Bref, elle apparaît partout ou presque.

« Depuis 2003″, écrit Yves Dupont, « sa nouvelle façon d’aider les personnes qui traversent des périodes difficiles dans leur vie ou celles qui ont simplement besoin de motivation, c’est d’être conférencière. »

Une femme occupée

Il est étonnant de constater à quel point Gisèle se montre prodigue de son temps depuis les années 90, et elle le fait dans divers domaines. La preuve? Elle s’implique dans le monde du guidisme et du scoutisme, elle est directrice au Comité de répondants de l’Escadron 921 des Cadets de l’air de L’Ancienne-Lorette, membre du Club Optimiste de Loretteville, membre du conseil d’administration du choeur La Clé des Saisons dans lequel elle est alto et dont elle organise le souper de 10ième anniversaire en 2012, etc. Et cela sans compter de nombreuses visites d’écoles primaires et secondaires ainsi que de cégeps dans le but de sensibiliser les jeunes aux problèmes vécus par les non-voyants.

Nombreux prix

Depuis 1983, Gisèle a été honorée à maintes reprises. La liste des prix est plutôt impressionnante, aussi nous nous arrêterons à quelques-uns seulement. Le lecteur aura néanmoins une bonne idée de la forte personnalité de Gisèle.

Dès 1983 en effet, elle obtient une mise en nomination au Gala de la personnalité des Jeunes Chambres de Québec. Elle est récipiendaire en 1988 du prix Grand Cœur d’Air Canada qui consiste en un voyage n’importe où sur la planète : Gisèle porte son choix sur la Martinique. Six ans plus tard, à 47 ans, elle est toute surprise d’être reçue membre du prestigieux Ordre du Canada. Notons à ce sujet qu’une autre femme non voyante, Jeanne Cypihot, avait été semblablement honorée en 1978. Gisèle est lauréate en 1996 du programme Reconnaissance Desjardins. En 1999, elle reçoit le prix Femmes de mérites du YWCA de Québec, catégorie « Service communautaire ». Terminons cette trop courte liste avec une récompense qui a dû lui faire particulièrement chaud au cœur: en 2000, elle se voit remettre le prix Hommage de l’Ordre régional des infirmières et infirmiers du Québec.

Loisirs

Gisèle a beau être passablement occupée avec sa famille et MIRA, elle trouve le temps de chanter dans des chorales, de faire du théâtre amateur et de suivre des cours de piano. Ajoutons à cela, et nous n’aurons pas tout dit, le canot, le curling, la danse sociale, la natation, le patin à glace, les quilles et le ski alpin. Avouons qu’il y a là de quoi se tenir en forme et se donner du même coup une sorte d’assurance morale.

Une retraite bien remplie

Depuis les années 80, Gisèle se dit constamment qu’il « faut vouloir et travailler fort ». Elle le prouve encore à l’aube du présent millénaire quand elle réalise un vieux rêve: apprendre le violon. Yves Dupont nous en dit davantage sur le sujet :

« Après de multiples démarches pour trouver un professeur acceptant de lui enseigner, elle entreprend avec succès l’apprentissage du violon. En 2006, elle se joint à l’Ensemble à cordes de la Haute Saint-Charles. Grâce à la collaboration de Frank et Élise Perron qui lui enregistrent les partitions, elle peut participer pleinement aux pratiques et aux concerts de l’ensemble à cordes. »

Gisèle aime rendre visite à ses enfants et nombreux petits-enfants. Elle consacre bien sûr du temps au violon sans oublier la chorale La Clé des Saisons, la lecture et le tricot. Par ailleurs, c’est une passionnée de pêche et elle en parle sans se faire prier.

Elle n’a plus rien à prouver, car elle a suffisamment démontré durant sa vie, comme l’écrit son compagnon, « qu’une personne peut réaliser ses rêves malgré de grandes difficultés ou handicaps ». Selon la principale intéressée, il suffit de lui confier un projet et elle s’engage à le mettre sur pied ! Après avoir pris connaissance de ce qui précède, le lecteur sait qu’il n’y a là nulle trace de forfanterie.

Un mot de l’auteur

Je tiens à remercier Yves Dupont pour sa précieuse collaboration.

Attention !

En terminant cette biographie, nous vous offrons une galerie de photos. Elle s’adresse aux parfaits voyants, aux semi-voyants, aux personnes conservant une vision modeste et aux aveugles. Il est un peu complexe de concevoir une galerie de photos pour une telle démographie. Voici donc le mode d’emploi :

Si vous avez l’usage de la vue et que vous utilisez une souris, il vous suffit de cliquer sur une photo, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, cliquez sur l’icône X, en haut à droite.

Si vous disposez d’une vision modeste, si vous utilisez JAWS, si peut-être vous souhaitez faire une présentation à des amis voyants, alors suivez les consignes qui suivent. Chaque photo est agrémentée d’un LIEN GRAPHIQUE, visible et audible uniquement par les utilisateurs de JAWS. Faites ENTER sur ce LIEN GRAPHIQUE, et alors, la galerie sera remplacée par une diapo grande format, où les photos se succéderont au rythme d’environ 5 secondes. Pour revenir à la galerie, appuyez sur ÉCHAPPE.

Bon visionnement !

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