Outil d’animation 2 – Emploi

Les personnes ayant une déficience visuelle sont moins nombreuses à occuper un emploi comparativement à la population voyante. Elles sont confrontées à divers obstacles qui limitent leur accès au marché de l’emploi. Parmi ceux-ci, notons les facteurs personnels (éducation) et environnementaux (comportement de l’employeur).

Malgré ce triste constat, Marie-Claude Lavigne et Bernard Meunier ont réussi à obtenir et à maintenir un emploi occupé normalement par les personnes voyantes.

Afin d’en savoir davantage sur leur emploi, nous vous lirons leur histoire.

Marie-Claude Lavigne

Marie-Claude Lavigne est née en 1952 à Chesterville, une ville située près de Victoriaville. Elle a 64 ans. Elle est aveugle de naissance.

Après avoir obtenu en cinq ans son baccalauréat et sa maîtrise en psychologie, elle aura un premier emploi dans le cadre du projet « Canada au travail » à Victoriaville qui consistera à travailler avec des familles monoparentales. Elle conservera cet emploi pendant neuf mois. Un jour, elle donnera sa démission. Étant donné qu’elle n’avait pas beaucoup d’amis, elle quitte Victoriaville pour s’installer à Montréal.

Questions à poser aux participants

  • Auriez-vous été à l’aise de donner votre démission d’un emploi stable dans lequel vous n’êtes plus à l’aise sachant la précarité que cela procure ?
  • Avez-vous déjà déménagé dans une autre ville pour diverses raisons telles que l’emploi ? Si oui, pourquoi ?

Durant un an, elle travaillera dans un centre communautaire qui vient en aide à des personnes aux prises avec des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie. Parallèlement à son travail, elle donnera des cours de psychologie à l’éducation permanente aux adultes. En été 1979, elle passe une entrevue aux services correctionnels canadiens. En janvier 1980, elle apprend qu’elle pourra travailler à titre de psychologue dans une prison fédérale à compter de février 1980. Elle devient la première psychologue aveugle à pouvoir travailler dans une prison fédérale. Elle y travaillera durant vingt-sept ans.

Questions à poser aux participants

  • Que pensez-vous du fait qu’elle a été engagée comme psychologue dans une prison ?
  • Auriez-vous occupé cet emploi ? Si oui, pourquoi ?
  • Croyez-vous que le travail de Marie-Claude fût dangereux en raison de son handicap visuel ?
  • Quels obstacles croyez-vous qu’elle a rencontrés ?

En février 1980, elle débute son travail à l’Institut Leclerc à Laval, une prison dans laquelle il y a environ 500 hommes emprisonnés en attente d’un procès ou condamné d’une peine de plus de deux ans. La direction de l’Institut s’est demandée s’il était pertinent d’engager une personne aveugle pour des raisons de sécurité où l’on devra veiller sur elle.

Questions à poser aux participants

  • Selon vous, la direction de l’Institut a-t-elle eu raison de s’interroger sur la pertinence d’engager Marie-Claude à titre de psychologue en raison de sa déficience visuelle ?
  • Pensez-vous qu’elle a eu peur dans le cadre de ses nouvelles fonctions ?
  • Estimez-vous qu’elle méritait cet emploi ?

Cependant, tout s’est bien passé. Son travail de psychologue a amené Marie-Claude à discuter avec des prisonniers. Ces derniers ont été très respectueux à son égard.

Considérant qu’il n’y avait pas d’ordinateur à l’Institut Leclerc dans les années 80, Marie-Claude utilise le dictaphone pour produire ses rapports. Par la suite, ceux-ci sont tapés par une secrétaire de son bureau.

Questions à poser aux participants

  • Connaissez-vous des technologies accessibles qui auraient pu favoriser l’intégration de Marie-Claude dans son emploi ?

Marie Claude est fière d’avoir persévéré, d’avoir travaillé dur pour atteindre ses objectifs. Elle est heureuse d’avoir pu pratiquer un métier qui sort de l’ordinaire et qu’elle a aimé, même s’il comportait à l’occasion des moments de tension.

Bernard Meunier

Bernard Meunier est né en 1957 à Saint-Charles-sur-Richelieu. Il a 59 ans. Il perdra la vue à deux mois à la suite d’un accident médicale.

Une fois son cinquième secondaire terminé, il hésite sur la direction à donner à sa vie. Aussi décide-t-il de passer un an à Saint-Charles, le temps de bien réfléchir à son avenir, ce qui doit plaire à son père, car l’ouvrage ne manque certes pas à la ferme. L’année s’écoule et il n’est toujours pas fixé. Mais pourquoi se casser la tête quand on vit à la campagne et qu’on aime l’agriculture depuis sa petite enfance ? Le sort en est jeté : il sera agriculteur comme son père, son grand-père, etc. Et voilà comment débute la belle aventure.

Questions à poser aux participants

  • Avez-vous eu de la difficulté à faire un choix de carrière lorsque vous étiez aux études ? Comment avez-vous fait ?
  • Comment s’est passée votre recherche d’emploi ? Avez-vous eu de l’aide de certains organismes communautaires ?
  • Avez-vous déjà vécu un processus d’embauche ? Comment cela s’est-il passé ?

En 1976, il se fait donc agriculteur à plein temps. La ferme Meunier est une affaire de famille : il travaille aux côtés de ses parents et de son frère. Il est assez polyvalent. Il peut pratiquement tout faire sauf bien sûr… conduire le tracteur ! Il veille surtout à soigner les vaches laitières, plus nombreuses à la ferme dans les années 70. Il peut identifier chacune d’elles grâce à un numéro en relief facile à lire. Il se lève chaque matin à cinq heures moins quart afin de préparer attentivement la nourriture qu’il va distribuer aux animaux. Pour faciliter son travail, quelques appareils, dont une balance programmable, ont des indications en braille. La balance est aussi munie d’un clavier où Bernard tape le chiffre correspondant au poids demandé et une sonnerie se fait entendre quand ce poids est atteint. Ce non-voyant se dit visuel. Il cherche à toucher les objets pour les voir à sa façon, c’est-à-dire qu’il visualise la moindre chose qu’il touche.

Questions à poser aux participants

  • Que pensez-vous du travail de Bernard ?
  • Auriez-vous occupé ce type d’emploi ?
  • Saviez-vous qu’il était possible pour une personne aveugle d’occuper certains emplois traditionnellement réservés à des personnes voyantes ?
  • Que pensez-vous des adaptations qu’il a effectuées dans sa ferme pour être capable de travailler ?
  • Compte tenu de son handicap visuel, pensez-vous que le travail de la ferme pourrait être dangereux pour lui ?

Dans les bâtiments de la ferme, il se déplace sans sa canne blanche, se fiant évidemment à sa connaissance des lieux, et… se cogne parfois à une poutre ou un autre objet posé malencontreusement sur son chemin. Il lui arrivera aussi de se balader sur le toit de la grange, bâtie en 1921, pour effectuer une réparation, mais il est toujours accompagné d’un ouvrier. Il aime relever des défis comme s’il cherchait sans cesse à repousser ses limites.

Questions à poser aux participants

  • Aimez-vous repousser vos limites ? Comment le faites-vous ?
  • Est-ce que les emplois ou l’implication que vous avez eue au cours de votre vie vous ont confronté à des défis qui vous ont poussé en dehors de votre zone de confort ? Donnez-nous des exemples.

Avec les années, il s’est intéressé davantage à la machinerie qu’aux animaux. Que le hachoir à foin tombe en panne ou qu’un moteur connaisse un bris mécanique, l’ingénieux Bernard s’amuse à réparer l’objet en question avec ce qu’il a sous la main.

Le travail d’agriculteur, il va sans dire, comporte une certaine routine (nourrir les bêtes, nettoyer l’étable, etc.), mais il peut néanmoins changer d’un jour à l’autre, car il y a des imprévus. Après tout, dira sagement Bernard, « c’est la nature qui mène ».

Il accepte cette routine et ces imprévus. De toute façon, il ne se voit pas assis à longueur de journée devant un ordinateur ou répétant mécaniquement les mêmes opérations dans une usine.

Depuis 2003, il est l’unique propriétaire de la ferme et loue l’étable à son frère qui veille au bien-être des vaches. Il aime toujours ce mode de vie après plus de trente-cinq ans, surtout au printemps quand revient le temps des sucres et que la terre se réveille. Tous les espoirs semblent alors permis. Il se félicite de mener une vie ordinaire, comme tout le monde, et s’étonne que l’on puisse penser le contraire. Que cet agriculteur complètement aveugle, le seul au Québec, puisse vaquer aux travaux d’une ferme a pourtant de quoi surprendre, du moins les gens qui ne le connaissent pas. Il admettra lui-même que ce métier n’est pas « de ceux traditionnellement exercés par les handicapés visuels ». Par ailleurs, il dira: « Pour que les autres ne nous considèrent pas comme handicapés, il faut à tout prix que nous ne nous considérions pas nous-mêmes comme tels ». Il oublie parfois qu’il est aveugle, tellement il a appris à vivre avec sa cécité.

Questions à poser aux participants

  • Bernard dit : « Pour que les autres ne nous considèrent pas comme handicapés, il faut à tout prix que nous ne nous considérions pas nous-mêmes comme tels ». Que pensez-vous de cette affirmation ?