Outil d’animation 4 – Perdre la vue au cours de la vie

Questions à poser aux participants

  • Avez-vous déjà tenté d’imaginer ce que serait votre vie sans la vue ?

La perte de la vue peut survenir soudainement ou se développer progressivement au cours de notre vie. Elle peut toucher les deux yeux ou seulement un œil.

Pour plusieurs personnes, la cécité représente une crainte, car elle réduit notre autonomie et nous devons renoncer à des activités que nous avons réalisées par le passée. Ce changement de mode de vie peut être très difficile à accepter.

L’annonce de la déficience visuelle engendre des réactions variables telles que la culpabilité, la colère, le déni etc. en fonction des personnes.

Après avoir perdu la vue au cours de leur vie, Laure Frappier et Gisèle Vézina Dupont ont vécu des moments difficiles. Toutefois, elles ont dû réaliser un travail de deuil, afin de donner un sens à leur cécité et de réapprendre à vivre.

Pour mieux comprendre les différentes phases du deuil par lesquelles elles ont passé,  nous vous présenterons leur histoire.

Laure Frappier

Née le 20 février 1951 à Saint-Bonaventure, village situé au centre du Québec, Laure jouit à la naissance d’une vision tout à fait normale. Elle a fait son primaire, son cours classique, son cégep puis un cours en secrétariat.

En 1974, sûre d’être la bonne personne, Laure soumet sa candidature à la polyvalente nouvellement ouverte à Ville d’Anjou et qui cherche quelqu’un pour superviser les activités tenues à la piscine. Laure est embauchée et fait si bien que le directeur de l’école l’invite à devenir enseignante. Puisqu’elle n’a pas de diplôme en pédagogie, elle s’inscrit au baccalauréat en éducation physique offert à l’UQAM.

Tout en faisant son baccalauréat, Laure enseigne donc l’éducation physique à la polyvalente Anjou. Elle enseignera au niveau secondaire pendant 10 ans.

Questions à poser aux participants

  • Quel métier pratiquez-vous ou quel métier avez-vous pratiqué ?

De 1984 à 1998, elle enseigne à l’école primaire. Durant sa dernière année primaire, alors qu’elle a 47 ans, la vie de Laure bascule. Assise à son bureau devant des élèves, elle constate qu’elle a du mal à voir les crayons posés sur son bureau. Elle a beau se frotter les yeux, rien ne change. Levant alors les yeux, elle se rend compte qu’elle voit ses élève à travers un nuage.

Lorsque ses élèves quittent la classe, Laure se rend chez le directeur et quitte pour aller chez son médecin accompagnée d’une amie. À ce moment, elle ne sait pas qu’elle vient de plonger dans la cécité. Elle met plutôt cela sur le compte d’un excès de fatigue, dû à une vie bien remplie: famille, travail, déplacements entre Varennes et Montréal.

Questions à poser aux participants

  • Y a-t-il des personnes qui ont déjà perdu la vue comme Laure pendant leur travail ? Si oui, comment avez-vous vécu cela ?
  • Sinon, de quelle façon avez-vous perdu la vue ?
  • Quelles émotions avez-vous ressenties en sachant que vous perdrez la vue ?

Se rappelant ce jour comme si c’était hier, Laure parlera de son médecin qui, inquiet, l’envoie dans une clinique d’ophtalmologie de Longueuil qui, à son tour, l’envoie d’urgence à l’hôpital Notre-Dame de Montréal. Bien qu’elle imagine le pire, elle fait tout pour garder le moral.

À l’hôpital, un spécialiste de la rétine va droit au but et lui annonce : « Vous êtes au début d’une longue et dure épreuve, vous allez complètement perdre la vue ». Et il l’invite à revenir deux semaines plus tard. Laure est atteinte d’une choriorétinite des deux yeux, une maladie dégénérative des pigments de l’œil qui l’a frappée d’une façon fulgurante.

Pourquoi perdre ainsi la vue à 47 ans ? Laure se questionnera sur cette maladie venue sans crier gare. Elle n’a cependant pas la réponse et cela est très désagréable pour elle.

Questions à poser aux participants

  • Qui vous a annoncé que vous étiez atteint d’une déficience visuelle ?
  • Estimez-vous que l’annonce de votre diagnostique a été faite de façon respectueuse ?
  • Connaissez-vous les causes de votre déficience visuelle ? Si oui, quelles sont-elles ?

La très énergique et expérimentée enseignante qu’était Laure dira avoir vécu en 1998 « une très grande leçon d’humilité ». Il lui faut d’abord faire le deuil de sa vision, puis de la mobilité et d’une vie jusque-là très active. Elle en ajoute un autre qui la surprend elle-même, mais ce n’est pas si étonnant après tout, celui de sa voiture. Cette autonomie à laquelle elle ne pensait pas, tellement elle lui semblait naturelle.

L’autonomie, ce n’est pas pour tout de suite. Laure souffre d’être renvoyée chez elle sans bouée ou s’accrocher. Enfermée à la maison, elle pleure du matin au soir. Elle ne désire qu’une chose, s’effondrer dans un coin et ne plus bouger. Rester « dans son obscurité ». Toutefois, son mari et ses fils font preuve d’une extrême gentillesse envers elle, la soutiennent au moment où elle affiche une grande vulnérabilité.

Dans sa maison, Laure apprend à se déplacer dans le noir et fait quelques chutes. Résultat: « des bosses, des bleus, des dents cassées ». Un dur apprentissage pour une femme habituée à faire les choses rapidement et qui doit désormais ralentir.

Questions à poser aux participants

  • À la suite de l’annonce de votre cécité, quels sont les divers deuils que vous avez dû faire ?
  • Au cours de cette épreuve, avez-vous eu de l’aide ? Si oui, quelles sont les personnes qui vous ont aidé ?

D’abord déboussolée, Laure va peu à peu sortir de sa torpeur grâce à une rencontre qui donnera à sa vie une nouvelle direction. Un jour, un ergothérapeute, dont le fils joue au hockey avec l’un de ses garçons, lui parle de l’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB). Laure entre en contact avec le centre de réadaptation. Voilà, le premier pas est franchi.

Une intervenante vient à Varennes et propose à Laure de réapprendre en quelque sorte à vivre le quotidien car, pour elle, « tout est à réapprendre ». Elle doit apprendre à s’orienter dans sa propre maison, mettre des points de repère sur ses électroménagers, manipuler des couteaux et autres objets courants. La barre est haute, disons-le, mais Laure retrouve le goût de vivre, de relever des défis. Elle veille surtout à ce que son mari ne devienne pas, par la force des choses, son aidant naturel, ce qui pourrait mettre en péril leur vie amoureuse. Pour Laure, l’aide doit donc provenir surtout de l’extérieur.

L’autonomie exige que l’on se déplace sans mettre sa vie en danger. Laure apprend donc à marcher avec une canne blanche. La canne lui donne bientôt le goût de sortir de la maison afin de rencontrer des personnes vivant avec le même handicap. Or, il existe à Montréal le Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM). Se déplacer seule s’avère risqué pour qui vient à peine de perdre la vue, mais Laure tient beaucoup à sortir de son isolement. Elle va donc se rendre au RAAMM en autobus et en métro, deux modes de transport qu’une automobiliste comme elle avait peu utilisés. Laure devient aussi membre d’un club de marche. Lui revient vite le goût de bouger et elle le fait en bonne compagnie. Depuis, elle a beaucoup marché. Elle a fait une randonné de 375 kilomètre entre l’Oratoire Saint-Joseph et la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré. Elle a aussi fait le chemin de Saint-Jacques de Compostelle dans sa partie espagnole. Cela représente 800 kilomètres de marche en 43

Après une période de réflexion, Laure s’inscrit en 2003 à un baccalauréat en intervention psychosociale et études féministes donné à l’UQAM. Elle réalise alors à quel point elle est privilégiée si elle se compare à bien des femmes. C’est ce qui l’amène à s’impliquer dans sa communauté. Comme il n’existe pas d’organisme venant en aide aux femmes en détresse  dans sa région,  elle met sur pied à Varennes le centre pour femmes Contact’L. C’est dans une salle prêtée par le CLSC qu’une trentaine de femmes assistent à l’assemblée de fondation en septembre 2007. La présence au sein de Contact’L du « Comité femmes handicapées » fera en sorte que l’accessibilité des édifices de Varennes sera l’un des nombreux dossiers sur lesquels se penchera l’organisme. Plus de 300 femmes, handicapées ou non, sont membres de l’organisme en 2014. Laure se montre très fière d’avoir ainsi contribué à sortir de l’isolement « principalement des femmes aînées, des femmes handicapées et des femmes immigrantes » en leur fournissant un réseau d’entraide fiable, ce qu’elle-même aurait aimé trouver en 1998.

Laure va jusqu’à dire qu’avec le recul, elle juge sa seconde vie plus belle que sa première, sa vie de voyante. L’affirmation peut surprendre, mais rappelons-nous cette Laure d’hier, soucieuse d’efficacité et « intransigeante envers toute forme de lenteur ». La cécité l’a forcée à vivre sur un autre rythme. Se disant plus libre, elle recourt davantage à son imagination et sa créativité, aidée en cela par la lecture. Libérée des contraintes d’avant, elle continue, jour après jour, à avancer.

Questions à poser aux participants

  • De quelle façon avez-vous recommencé votre nouvelle vie ?
  • Avez-vous reçu des services de votre centre de réadaptation ? Si oui, lesquels ?
  • Quelles activités avez-vous commencé à pratiquer de nouveau ?
  • Quelles activités pratiquez-vous actuellement ?

Gisèle Vézina Dupont

Gisèle Vézina voit le jour le 30 mai 1947 à Québec. Elle est atteinte d’une rétinite pigmentaire, mais ne l’apprendra qu’à l’âge de 21 ans.

En 1965, Gisèle obtient son diplôme d’études secondaires, puis entreprend un cours d’infirmière dans un hôpital de Québec. En 1967, elle devient officiellement infirmière,  métier qu’elle fera pendant douze ans.

En 1979, Gisèle est âgée d’une trentaine d’années sa rétinite l’oblige à laisser un emploi qu’elle adore. Travaillant en salle d’opération, elle n’arrive plus à lire les étiquettes sur les bouteilles, ce qui est problématique. Elle consulte alors un médecin : selon lui, il n’y a rien à faire. Gisèle est sérieusement ébranlée.

Questions à poser aux participants

  • De quelle façon avez-vous réalisé que vous perdez la vue ?
  • Quelle a été votre première réaction ?

Après s’être informé à gauche et à droite, son mari apprend l’existence à Québec du centre de réadaptation Louis-Hébert. Gisèle y reçoit notamment un cours d’orientation et de mobilité mais elle est gênée d’utiliser la canne blanche. Elle sent que les gens sont mal à l’aise et n’osent pas lui adresser la parole. Alors elle range l’objet dans un garde-robe, et tant pis pour les chutes! Elle mettra un an avant d’accepter la canne. Toutefois, avec de jeunes enfants à la maison et un mari au bureau, elle n’a pas le choix et doit se débrouiller toute seule une partie de la journée. Il lui faut notamment apprendre aux enfants à ne rien laisser traîner par terre même s’ils ne comprennent pas tout de suite ce que veut dire le fait de ne pas voir.

Questions à poser aux participants

  • De quelle façon avez-vous appris l’existence de votre centre de réadaptation ?
  • Avez-vous appris comment utiliser la canne blanche ? si oui, avez-vous eu de la difficulté à l’accepter ?
  • Afin d’éviter des accidents, avez-vous été obligé de sensibiliser votre famille à l’égard de votre déficience visuelle ?

Un jour, après avoir écouté un film où s’exprimait une personne non voyante, Gisèle a une perception plus sereine de la vie qui l’attend. Elle décide de faire ce qu’il faut afin que son handicap devienne une force. Elle souhaite que les gens voient en elle d’abord et avant tout une personne et non seulement une personne handicapée.

Au Carnaval de Québec, une pancarte attire l’attention du couple : c’est une publicité de la toute jeune Fondation MIRA. Gisèle fait aussitôt une demande de chien-guide qui est acceptée. Elle va donc passer un mois au 1255 de la rue Beauregard à Longueuil où sont logés les bénéficiaires de la Fondation. « C’était des découvertes à tous les jours », dira-t-elle. En octobre 1981, elle reçoit le premier chien-guide de la Fondation MIRA. Très vite, elle se sent plus sûre d’elle. Et pour montrer sa reconnaissance envers la Fondation, elle va dorénavant consacrer ses énergies à la cause des non-voyants, à leur autonomie dans la société.

Questions à poser aux participants

  • De quelle façon avez-vous repris votre vie en main ? Avez-vous trouvé cela difficile ?
  • Préférez-vous vous déplacer avec une canne blanche ou un chien-guide ? Pourquoi ?

Elle devient directrice régionale de l’Est du Québec de la Fondation MIRA. Après avoir été pendant quelques années administrateur au conseil d’administration, elle en devient présidente en 1985.

En 2003, au moment où Gisèle quitte la Fondation MIRA, sa réputation est telle que différents organismes l’invitent à prendre la parole devant leurs membres. Elle se promène ainsi de l’Association des fabricants de meubles du Québec à l’Association canadienne des policiers et policières en passant par les Clubs Lions, le Club de dressage Cap Diamant et les Chevaliers de Colomb. Elle participe à un colloque sur la réadaptation fonctionnelle des personnes handicapées de la vue. On la voit à la télévision, on l’entend à la radio. Bref, elle apparaît partout ou presque.

Gisèle a beau être passablement occupée avec sa famille et MIRA, elle trouve le temps de chanter dans des chorales, de faire du théâtre amateur et de suivre des cours de piano. Ajoutons à cela, et nous n’aurons pas tout dit, le canot, le curling, la danse sociale, la natation, le patin à glace, les quilles et le ski alpin.

Questions à poser aux participants

  • Êtes-vous impliqué dans votre communauté ou au sein d’un organisme communautaire ? Si oui, quel est son nom ? Quel poste occupez-vous ? Depuis combien d’années, faites-vous du bénévolat au sein de cet organisme ?
  • Qu’est-ce qui vous motive dans votre implication?